On ne connaît pas son nom. D'ailleurs, on ne connaît ni sa famille ni ses proches. Il·elle est
mort·e le 5 décembre 2017 à Toulouse. Dans la rue. On ne sait pas quelles sont les
circonstances exactes de son décès. Elle·il a eu droit à son hommage le 4 avril dernier à
Paris.
Trouver l'identité d'un·e défunt·e, c'est avant tout le travail des communes et plus précisément du Centre communal d'action sociale (CCAS).
Notre idée, c'est tenter de retrouver une famille potentielle avec laquelle la personne aurait coupé les ponts. Ou l'inverse. Sandrine Burel, du CCAS de la ville de Lannion.
Il s'agit avant tout d'une mission d'enquête. « Dans une petite ville comme Lannion, c'est plus facile », ajoute-t-elle. Un livret de famille, le témoignage d'un·e voisin·e, une photo, du courrier : tout est bon pour retrouver un·e proche et donc un nom. « Chaque situation est différente. Il n'y a pas de schéma, on redémarre toujours à zéro ». Parfois, la volonté du·de la défunt·e pose problème selon ce qu'il·elle a pu dire ou écrire à ses proches. « C'est aussi le choix du défunt de ne pas avoir de sépulture. Il nous arrive d'en débattre avec la famille. Il n'y a pas tout le temps de volonté écrite. C'est toujours plus compliqué et on ne peut pas se mettre à la place de la personne », avoue Sandrine Burel.
Les cas sont très différents en fonction du·de la défunt·e. Ils se complexifient lorsque les proches sont introuvables. « Dans cette situation, nous tentons de voir si la personne avait de l'argent sur son compte en banque », précise Sandrine Burel. La loi oblige la banque à financer les obsèques jusqu'à un montant de 5 000 euros. « Mais si la personne n'a que 1 000 euros, les pompes funèbres devront s'en contenter », indique l'employée du CCAS. Cela n'est généralement pas suffisant.
Il faut compter sur plus de 6 400 euros pour une inhumation, en moyenne. Association UFC que choisir.
C'est ce qui explique des tombes, parfois uniquement recouvertes de terre, nues. Pour ce faire, le CCAS doit remettre l'avis de décès au service « succession » de la banque. « C'est avec celui-ci que nous allons prendre contact, de manière à ce que les pompes funèbres puissent envoyer leur facture et éventuellement se faire payer », développe Sandrine Burel.
Cependant, en cas de manque de moyens, la loi oblige la commune à attribuer un budget pour les funérailles des personnes sans ressource. « Ce budget comprend uniquement le matériel. Le temps du personnel n'est pas comptabilisé », détaille l'employée du CCAS. En 2008, il était de 900 euros. Le conseil municipal de Lannion a décidé de l'augmenter de 100 euros, le coût des matériaux ayant augmenté.
3 000 tombes et trois ossuaires se situent dans le seul cimetière de Forlac'h.
Trois générations, c'est le temps moyen qui s'écoule avant l'abandon d'une concession.
Le carré des indigent·e·s est une parcelle de terrain mis à disposition par la ville aux défunt·e·s n'ayant pas leur propre concession.
Le terrain commun est un emplacement gratuit pendant cinq ans. Si la concession n'est pas renouvelée, la dépouille est transférée à l'ossuaire.
L'ossuaire rassemble les ossements déterrés en l'absence de concession. Ceux-ci y sont conservés de manière anonyme.
La fosse commune est l'ancien nom du carré des indigent·e·s. Mais l'image que ce terme véhicule pérdure.
L'objectif du CCAS est d'éviter « la fosse commune » à tout prix. Sandrine Burel utilise volontairement ce terme lorsqu'elle s'adresse aux familles. « Je veux choquer pour que les proches se rendent bien compte. Humainement, c'est très dur de se dire qu'on n'a pas de solution et qu'on est obligé d'emmener le défunt au carré des indigents ». Selon la loi, au bout de cinq ans, les personnes enterrées dans le carré des indigent·e·s (personnes sans ressource économique) peuvent être exhumées. à Lannion, ce genre d'enterrement concerne environ une personne tous les deux ans. Cette rareté permet à certain·e·s défunt·e·s d'être enterré·e·s plusieurs dizaines d'années. « Ici, on a des personnes enterrées depuis plus de 20 ans », explique Éric Even, responsable des cimetières de Lannion. Dans les grandes villes, les cimetières étant confrontés au manque de place, l'exhumation des corps peut se faire au bout de cinq ans, comme l'indique la loi. « C'est naturellement impossible. Il n'y a jamais aucun carré qui est retiré au bout de cinq ans. C'est beaucoup trop tôt. Si on ouvre et qu'il reste encore de la chair, normalement on n'a pas le droit de l'exhumer », rétorque Éric Even.
Cette carte répertoriant les décès de personnes mortes dans la rue en 2017 est tirée des données récoltées par le collectif Les morts de la rue. Certain·e·s n'ont pas de nom, pas d'âge et leur date de décès est approximative. Pour certain·e·s, il n'a été retrouvé que le surnom. Notons enfin que cette liste n'est pas exhaustive. Le collectif estime environ 1.500 décès non déclarés en France.
Légende
Jaune : On connaît le prénom, la date et l'âge de la personne décédée.
Rouge : On connaît le prénom et l'âge approximatif, mais pas la date.
Marron : On connaît la date mais pas le prénom.
Noir : On ne connaît rien de la personne défunte, si ce n'est le lieu du décès.
Chaque ville a sa propre manière de procéder. Dans les grandes villes comme Paris, le collectif Les morts de la rue est en lien direct avec les hôpitaux et la chambre mortuaire. Le personnel de la morgue contacte alors les pompes funèbres, en charge de retrouver la famille de la personne. Si aucun·e proche ne se manifeste, c'est vers le collectif que se tournent les agences. « à Saint-Brieuc, notre rôle est de travailler avec la mairie et les pompes funèbres pour des améliorations au niveau des tombes, pour se tenir au courant de décès sans proche », explique Marie-Christine Michel, membre du collectif Fraternité cimetière de Saint-Brieuc.
Eux aussi, ont leur cérémonie, chaque 31 d'octobre, initiée par Sébastien et Célina, deux SDF qui voulaient rendre hommage à leurs ami·e.s décédé·e·s. « Ils suivaient l'exemple du collectif rennais Dignité cimetière », se rappelle Marie-Christine Michel. Des cérémonies d'hommages sont organisées à Saint-Brieuc depuis 2014. « Au départ, nous n'étions même pas une dizaine de participants. Aujourd'hui, on se rapproche de la centaine, avec des personnes pas directement touchées par la cause mais indignées par la situation », souligne Marie-Christine Michel.
Gilles Débouteux, ancien Sans domicile fixe a contribué à la remise à neuf du carré des indigents. © Alexandre Hodicq
Pour les cinq membres pionniers du collectif Fraternité cimetière, officialisé en 2016, le rôle joué par les médias est primordial. « C'est en partie grâce aux articles réalisés sur les actions que nous menons que nous avons eu la chance d'être entendus et d'avoir un poids dans les discussions à la mairie », indique Juliette Duchen, une des membres du collectif. Autre rôle joué par les médias : la publication des avis de décès des SDF. à Saint-Brieuc, le collectif Fraternité cimetière s'est associé avec Ouest-France pour la publication des avis de décès. De même, le 4 avril 2018, le quotidien La Croix a publié dans ses pages une liste non exhaustive de 510 personnes décédées dans les rues en 2017. Une façon de rendre un dernier hommage aux mort·e·s mais aussi de faire rayonner les actions des différents collectifs français.
#SDF En France, 510 femmes et hommes sont décédés dans la rue en 2017.
👀🗨Pour leur rendre hommage, voici leur nom et leur âge donnés par @Mortsdelarue #RIP ¤µï¸ + d'infos 👉 https://t.co/0LPhBJe0ZD pic.twitter.com/jRSi1DziAM
€” lacroix.com (@LaCroix) 4 avril 2018
En plus des hommages, l'esthétisme des tombes a aussi évolué. En arrivant au cimetière de Cesson à Saint-Brieuc, on remarque que sept plaques neuves ont été posées sur un terre-plein. Elles se trouvent à l'écart des autres concessions. Il s'agit de personnes dont les moyens étaient insuffisants pour leur assurer un enterrement digne. Tou·te·s viennent de la rue.
Juliette Duchen replace un bouquet de tulipes au pied d'une butte de terre. « Nous l'avons trouvé la semaine dernière. Sans doute un des membres de la famille du défunt », s'étonne-t-elle. C'est la seule tombe fleurie. Un peu en retrait, se trouve Gérard Débouteux. Ce retraité donne désormais de son temps au collectif. Parmi les sept plaques, se trouve celle de l'un de ses amis. Les deux hommes ont passé, ensemble, près de six mois dans la rue. « On a tous le droit à un enterrement digne », s'exclame l'ancien SDF.
Les sept plaques du cimetière de Cesson à Saint-Brieuc. © Alexandre Hodicq
Les membres du collectif heureux devant la rénovation du carré des indigents. © Alexandre Hodicq
Une légère bruine et un ciel grisâtre marquent le début de la journée. Ce matin au cimetière de Brélévenez à Lannion, « la météo va bien avec ce que l'on fait », sourit un employé municipal. Au programme : l'exhumation d'une tombe mise en place il y a 20 ans. Il s'agit du nombre d'années minimum pour qu'un corps soit décomposé. Ensuite, la mairie peut démarrer les procédures d'exhumation.
Habituellement, le rôle principal des employé·e·s communaux·ales consiste à entretenir les six cimetières de Lannion. Une tâche qui peut s'avérer longue. Au cimetière de Saint-Jean, communément appelé « Le Forlac'h » par les Lannionnais·e·s, l'entretien peut prendre jusqu'à un mois. Ils sont quatre à manier la binette et autres ustensiles de jardinage pour préserver l'esthétique des cimetières. Pas de produits phytosanitaires à Lannion, tout se fait à la force des bras.
Ce matin, il faut préparer un emplacement dans le cimetière de Brélévenez car un enterrement s'y tient dans deux jours. Deux employés de la mairie et trois des pompes funèbres s'affairent autour de la concession. « J'ai 146 centimètres de profondeur à ce niveau-là », peut-on entendre autour de la fosse. Celle-ci est creusée au tractopelle dans un souci de rapidité, mais le manque d'espace entre les tombes oblige l'agent aux commandes à être très précis. Un mouvement trop brusque et l'engin pourrait bien arracher une pierre tombale.
L'exhumation se fait en plusieurs étapes. D'abord, il faut creuser le trou jusqu'à la tombe. Une fois récupérés, les ossements sont amenés dans l'ossuaire commun. L'emplacement de la concession exhumée est ensuite attribué à une autre famille. à Brélénevez, les places sont rares ! Le charme des tombes qui entourent l'église ne laisse pas les Lannionnais·e·s indifférent·e·s. Ce cimetière est l'un des plus demandés de Lannion. Sous le son des cloches qui annoncent onze heures, les employés commencent à installer la future tombe : le dernier caveau de Brélévenez. Plus aucun caveau ne pourra être fait dans ce cimetière à moins d'une nouvelle exhumation. Ce type de tombe, plus grand, permet d'accueillir plusieurs personnes dans la même concession. Cela résout en partie le problème de place du cimetière, qui commence à saturer. Des concessions comme celles-là , il y en a de plus en plus dans les six cimetières lannionnais. Il est 14h30, l'exhumation est maintenant terminée pour les agents d'entretien, direction le cimetière paysager de la Chenaie. Il faut tailler les haies et arracher les mauvaises herbes. Avec le début du printemps, la tâche de travail va s'alourdir. L'herbe repousse, la tondeuse va bientôt reprendre du service.
« A Lannion, il y a plus de morts que de vivants c'est certain. » Eric Even, responsable des cimetières.
Quatre personnes entretiennent les six cimetières lannionnais à temps plein.
15 000 défunt·e·s sont réparti·e·s entre les 5 500 tombes de la ville.
Huit ossuaires sont répartis entre les cimetières. Les premières reliques datent du XIXe siècle.
Les cimetières de Brélévenez et Servel sont les plus demandés de Lannion.
Trois hectares, c'est environ la surface qu'occupent les cimetières de la Chenaie et de Saint-Jean.
Une concession funéraire est une partie de terrain située dans un cimetière d'une commune. La mairie loue cette parcelle à un particulier pour y faire sa sépulture ou celle d'un·e proche disparu·e. Une concession cinéraire est destinée à accueillir des urnes (columbarium, tombes cinéraires€¦). Une personne ne peut pas être enterrée n'importe où. Par exemple, pour être enterré·e à Lannion, il faut remplir au moins une de ces trois conditions :
Les concessions peuvent être individuelles (seul·e le·la concessionnaire peut y être inhumé·e), familiales (toutes les personnes liées à la famille peuvent y être inhumées, au gré de la·du concessionnaire), ou collectives (toutes les personnes déclarées sur l'acte de concession pourront y être enterrées).
Les tarifs des concessions dans les villes de Bretagne sont similaires. Eric Robert, adjoint aux finances à la ville de Lannion, explique que ces tarifs sont fixés au début de chaque année en conseil municipal et ce « en se basant sur une moyenne nationale et en prenant en compte l'évolution du coût de la vie ». Lannion propose donc des tarifs très proches de ceux des communes voisines, mais aussi des villes comme Brest, Saint-Brieuc ou Lorient. Pour une concession funéraire classique de 15 et 30 ans à Saint-Brieuc, il faut débourser respectivement 200 euros et 400 euros pour une concession à Lannion compter 247 euros et 459 euros. Seule exception en Bretagne, la ville de Rennes : la forte demande couplée à la pression foncière font exploser les prix : 373 euros et 928 euros.
Comme les prix, les durées des concessions sont variables. Elles peuvent être temporaires (de 5 à 15 ans), trentenaire ou cinquantenaire. Dans ces cas, les contrats doivent être renouvelés. Les concessions peuvent aussi être perpétuelles et transmises aux héritier·ère·s.
La ville de Lannion dispose de moins en moins de places dans ses cimetières. Prenons l'exemple du cimetière de la Chenaie, le plus récent. Il a été ouvert en 1982 mais il est déjà presque saturé. « On constate maintenant que la majorité des familles choisissent des caveaux [...]. Les crémations sont également de plus en plus nombreuses », confie Eric Even, responsable des cimetières à Lannion. Ces méthodes d'inhumation qui deviennent de plus en plus courantes ralentissent le remplissage des cimetières. Mais elles montrent elles aussi leurs limites. Ainsi, le columbarium du cimetière de la Chenaie construit dès son ouverture, sera de nouveau agrandi dans les prochaines années.
Dans ce cimetière, il est possible de placer les urnes dans le columbarium, dans des tombes cinéraires ou bien de disperser les cendres du·de la défunt·e dans un « puits du souvenir » situé dans le cimetière paysager de la Chenaie, ce puits accueille les cendres des personnes qui le souhaitent. La dispersion des cendres est très réglementée et ne peut pas être faite n'importe où.
Le paiement de la concession est effectué soit par la personne qui va être inhumée, par ses héritier·ère·s et/ou sa famille. Si le·la défunt·e ne possède pas de famille ou aucun·e proche joignable, c'est la mairie de la commune qui organise les obsèques. En effet, une prise en charge rapide est nécessaire puisqu'une dépouille doit être inhumée ou crématisée dans les six jours suivant le constat du décès. Il est donc compliqué dans un délai aussi court, de mener une enquête pour retrouver d'éventuel·le·s proches. Un budget spécial est même décidé par la mairie pour organiser ces inhumations. « 900 euros sont prévus pour organiser les obsèques d'une personne dans ce cas », explique Eric Robert. Toutefois, si un·e proche se manifeste dans les cinq ans suivant le décès, il·elle peut demander une exhumation du corps pour effectuer de nouvelles obsèques. « Pour ce genre de cas, un endroit est prévu au cimetière du Forlac'h, explique Frédéric André, l'un des agents d'entretien en charge des cimetières de Lannion. Il s'agit du carré des indigents ».
Le renouvellement doit être fait dans les 24 mois avant la fin de la concession. Si aucun renouvellement n'est effectué, la mairie peut récupérer et revendre la parcelle. Une exhumation est donc pratiquée.
Le corps du·de la défunt·e est déposé dans un ossuaire au sein du cimetière. La construction d'un ossuaire dans les cimetières d'une commune est une obligation. Il y en a même trois dans le cimetière du Forlac'h, le plus ancien de Lannion (deux d'entre eux sont pleins).
Lorsque les ossuaires sont pleins dans un cimetière, un problème de place se pose pour la mairie. Que faire ? Refaire un nouvel ossuaire ? Dans la plupart des cas, c'est une autre solution que privilégient les communes. Frédéric André, agent d'entretien à la mairie de Lannion, explique comment les communes anticipent le manque de place dans les ossuaires.
« Là , c'est l'ossuaire. C'est en gros la fosse commune, quoi. Ce matin, l'exhumation qu'on a faite, c'était un abandon de concession. Il y avait un corps dedans et, comme ils ont abandonné la concession, ils n'ont pas voulu récupérer le défunt qu'il y avait dedans. On a fait une réduction et on l'a mis dedans. L'ossuaire sert à ça. Il y en a un dans chaque cimetière.
C'est un gros problème pour les communes parce que, dans les cimetières, il y a de moins en moins de place et, faire un ossuaire, c'est prendre une place pour rien. à‡a ne rapporte pas d'argent à la commune. Donc s'ils ont vraiment de la place, ils en font un deuxième. S'il est plein, les communes sont dans l'obligation de vider cet ossuaire, de récupérer tous les os qu'il y a dedans et de les mettre dans des reliquaires.
Ces reliquaires, on n'a pas le droit de les transporter comme on veut, il faut obligatoirement un corbillard. Donc, il faut prendre un corbillard chez une entreprise de pompes funèbres qui va vous faire payer le corbillard, le transport jusqu'au crématorium. La commune va payer aussi la crémation selon le nombre de reliquaires qu'il y a. C'est une crémation par reliquaire.
Après, la mairie va re-récupérer les cendres, les remettre dans des plus petits reliquaires, qui seront re-transportés avec un corbillard au même endroit, pour les remettre dans l'ossuaire. Cela prend moins de place, en fait. Mais tout cela a un coût et c'est vraiment un gros problème pour les communes.
Un budget pour les cimetières est voté chaque début d'année en conseil municipal. à Lannion, ce budget est divisé en deux. Un budget d'investissement, minoritaire d'environ 10 000 euros pour tout ce qui est rénovation, ainsi qu'un budget fonctionnement comprenant l'eau, l'électricité mais également les salaires des agents d'entretien. Ce budget a augmenté ces dernières années. En 2018, 187 000 des 25 millions d'euros du budget total de la ville seront dédiés aux cimetières lannionnais. En 2017, le budget était de 183 000 euros alors qu'il n'était que de 110 000 euros en 2014. L'augmentation s'explique notamment par le projet d'agrandissement du cimetière de la Chenaie. Des dépenses mais aussi des recettes pour la commune. Elles avoisinent 70 000 euros chaque année dont un sixième est reversé à l'hôpital de Lannion tous les ans, un choix du conseil municipal.
Au milieu de milliers de tombes, dans le cimetière de Saint-Jean dit du « Forlac'h » à Lannion, un carré d'herbe bien coupé. Des croix et quelques étoiles se côtoient dans ce carré militaire, érigé en souvenir des combattants lannionnais morts pour la France.
« Notre rôle est de faire en sorte que les restes des soldats de 1914-1918 et de 1939-1945 ne terminent pas dans les sépultures communes mais qu'ils restent dans la mémoire collective », explique fièrement Gabriel Le Mer, président de l'association Le souvenir français à Lannion.
Cette association veille au respect de la mémoire des soldats français morts sur le front depuis 1872, au lendemain de la guerre qui opposa le Second empire français au royaume de Prusse (Allemagne d'aujourd'hui). En France, 130 000 tombes sont ainsi entretenues par ses bénévoles.
Si après chaque Guerre mondiale, l'État a pris en charge, à la demande des familles, le transport des soldats morts sur le front ainsi que leur inhumation. Ce sont les mairies qui doivent entretenir les carrés militaires. Ce devoir de mémoire est également mis en avant lors des commémorations officielles. D'ailleurs, Gabriel Le Mer constate une fréquentation en hausse des scolaires, un facteur important pour transmettre la mémoire de ces guerres. « C'est bien d'avoir des élèves avec nous. Depuis quelques années, on a des enseignants plus impliqués, les enfants viennent chanter le 11 novembre », raconte Gabriel Le Mer.
à Lannion, les 70 tombes de la Première Guerre mondiale et les huit de la Seconde dépendent d'une convention signée entre la mairie et l'association. Les soldats enterrés dans les caveaux familiaux après la guerre sont régulièrement déplacés vers une tombe de regroupement, inaugurée dans le carré militaire de Lannion en 2012.
« Chaque 11 novembre, on taille l'herbe très droite pour rappeler le côté militaire et on fleurit les tombes. C'est important, ils le méritent », confie Eric Even, agent de la mairie et responsable des cimetières. Gabriel Le Mer se réjouit de l'attention qu'apporte la ville à ce carré militaire : « On a de la chance, cela ne se passe pas partout de la même façon ! La mairie fleurit les tombes grâce à sa jardinerie et repeint les monuments du carré militaire chaque année. On n'aurait pas les moyens de le faire sans eux ».
Gabriel Le Mer, président de l'association Le souvenir français explique le but de son association.
« Alors, il y a bien le problème suivant. Concernant le front, lorsqu'il y a eu le groupement, l'exhumation, il y a quand même une proposition qui a été faite aux familles pour savoir si elles souhaitaient que le corps soit restitué - d'ailleurs, il y en a eu très peu par rapport au nombre de morts, ou alors les laisser être inhumés dans les nécropoles sur le front à la charge de l'État. Si les familles acceptaient (dans les Côtes-d'Armor, cela doit concerner entre 200 et 300 familles), ces corps étaient restitués aux familles aux frais de l'État : transfert, cercueil et inhumation dans la sépulture familiale. Mais une fois que c'était fait, l'État se dégageait complètement de la responsabilité.
Bon alors, lorsque la tombe est en déshérence, qu'il n'y a personne dans le coin, plus personne pour s'occuper de la tombe, si on n'y veille pas, la concession est reprise et les reliques des soldats morts pour la France vont aux sépultures communes. Pour éviter cela, on a créé une tombe de regroupement dans le carré militaire. à Lannion, il y a entre 24 et 30 places. Les reliques sont déposées dans cette tombe, on y inscrit le nom des soldats. Le but du Souvenir français est que les soldats morts pour la France ne terminent pas dans les sépultures communes. De cette façon, ils continuent à être dans la mémoire, dans le carré militaire ».
Le carré militaire de Lannion contient 89 tombes en souvenir des soldats morts pour la France lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. © Roxane de Witte